Jusqu’à présent, la majorité des acteurs du tourisme à Paros ont coutume de mesurer le rendement du tourisme en nombre de visiteurs, ignorant les autres indicateurs. Et pourtant le tourisme, du à sa massification, est globalement dans une phase de mutation sans précédent où le mot d’ordre est clair : «ou nous changeons ou nous coulons» !
Les chiffres par eux-mêmes sont révélateurs: selon UNWTO, les arrivées mondiales de touristes sont passées de 278 millions en 1980, à 674 millions en 2000 et à 1,235 milliards en 2016. Elles ont augmenté de 7% en 2017 et la prévision pour 2030 est de 1,8 milliards.
En Grèce, nous sommes passés de 15 million d’arrivées en 2010 au double en 2018 (source: INSETE). Et à Paros, nous avons dû accueillir cette année plus de 175.000 visiteurs. Peux nombreux doivent être ceux qui n’ont pas pu au moins pressentir comment trop de tourisme peut tuer le tourisme. Comme l’ont fait avant eux les habitants de Mykonos, Santorin, Venise ou Barcelone. Ceci nous amène à la grande question: le (trop de) tourisme doit-il inexorablement rabaisser la qualité de vie des résidents et endommager ce que la destination a de plus appréciable, ceci même qui en a en fait une destination privilégiée? Les chercheurs innovants du tourisme répondent : « bien sûr que non à la condition d’oublier le modèle de tourisme que nous connaissons, de s’arrêter de parler de développement touristique et de penser plutôt comment le tourisme peut devenir un outil pour rendre le village, l’ile, la ville ou le pays meilleur ». Le rendre meilleur tout d’abord pour ses habitants et ses entrepreneurs, avec l’idée que des résidents heureux signifie des touristes heureux, donc une économie prospère !
Pour passer à l’exemple concret de l’ile que nous aimons, Paros est probablement devenue populaire entre autre par l’hospitalité de ses habitants, la simplicité de son architecture, la tranquillité et la diversité de son environnement, mais surtout par le fait que tout est sur une échelle humaine, d’où émane un bien-être général.
Après une cinquantaine d’années de tourisme avec une tendance appelée à aller crescendo quantitativement, l’édifice commence à craquer. La cupidité remplace l’hospitalité, le mauvais gout et le m’as-tu-vu prennent le pas à la simplicité, l’arrière-pays s’urbanise, le stress prend le dessus sur le bien-être.
Mais qu’est-ce qui a mal tourné ? D’abord le fait qu’à partir d’un certain moment dans notre parcours touristique nous avons cru que nous devions considérer le tourisme comme une industrie. Mais une destination touristique est avant tout un lieu de vie, d’abord pour les résidents, ensuite pour les visiteurs, pas une industrie ! Pour dévier de cette trajectoire et éviter l’abime, il faut devenir plus sélectif et cibler principalement le type de visiteur qui saura estimer et être respectueux de tous ces attributs qui constituent le caractère de l’ile et qui font essentiellement partie de son héritage naturel et culturel. Ce type de tourisme force la conservation et restauration du patrimoine. Il encourage des projets innovants qui revalorisent l’héritage naturel et culturel, comme celui mis au point par 2 doctorants en architecture intitulé « The Stone Path Strategy », dont vous pouvez lire une courte présentation dans le Bulletin no. 18 et sur lequel les AdP reviendront en détail dans les mois prochains. Nous pouvons imaginer une multitude de projets novateurs, pour ne citer que la régénération de vieux marais salants qui produiraient de la fleur de sel ou la mise en valeur des herbes médicinales et aromatiques autochtones.
Par ailleurs il faut faire très attention aux travaux d’infrastructure que nous planifions. Par exemple, le port commercial de Kaminaki va dévaloriser environnementalement une région Natura jusque-là intacte avec la justification de décongestionner Parikia. En fait le port de Parikia va être juste soulagé des exportations de la compagnie minière Riga de Marathi et des importations de carburants fossiles. Une planification plus intelligente aurait été l’arrêt des exportations de matériaux de construction de faible valeur ajoutée et la fermeture de la carrière qui dégrade dangereusement (et scandaleusement) les carrières du marbre antique, et de préparer la transition énergétique de Paros qui nous libèrera des importations de carburants. L’extension de la piste d’atterrissage de l’aéroport est un autre projet problématique puisqu’il pourrait livrer Paros aux appétits de marchands de voyage ou d’immobilier à grande échelle dont Paros n’a rien à gagner mais tout à perdre.
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