Il est communément admis que le développement à Paros n’a jamais été programmé, mais a toujours été le résultat de diverses initiatives, certaines appropriées, beaucoup malheureuses. Récemment, nous entendons beaucoup parler de plans stratégiques, de plans de marketing, de la redéfinition du produit touristique… Des discours à tous les niveaux veulent promouvoir le développement durable, le tourisme durable, la conservation du caractère des îles…
Malheureusement, quand il s’agit de choses réelles, c’est-à-dire de décisions d’organes décisionnels, nous nous rendons compte qu’une planification venant “d’en haut” est très inquiétante. Un exemple est le Plan de Marketing de la Préfecture pour le Produit Touristique, fièrement présenté au début de 2016, et qui conclut que «l’avantage concurrentiel des îles de la mer Egée est le produit Soleil & Mer». Il s’agit d’un document qui n’a manifestement pas été développé localement, n’a été soumis à aucune consultation et est apparemment basé sur une étude rédigée en 2012 par le cabinet mondial de consultants McKinsey, intitulé “Greece 10 Years Ahead: Defining Greece’s new growth model and strategy”.
Que propose cette étude pour le secteur du tourisme?
L’étude identifie les problèmes du tourisme grec, qui se résument comme suit: une stagnation de sa position concurrentielle sur ses marchés traditionnels, un succès limité pour attirer les visiteurs des pays émergents, à savoir la Chine et la Russie, une saison touristique trop concentrée et des touristes qui dépensent moins que dans les pays concurrents.
Elle attribue les causes de ces problèmes au produit touristique grec traditionnel, qui est un produit “Soleil & Mer” s’adressant à un marché grand public de masse, mais avec une qualité moyenne bas de gamme et une différenciation très limitée dans les Thèmes. Et aussi à «une viabilité économique douteuse en l’absence d’hébergement à grande échelle et d’infrastructures à forte valeur ajoutée», renforcée par «des restrictions qui empêchent un développement qui répondrait plus efficacement à la demande moderne et aux segments de marché en expansion». A savoir, elle recommande des centres de villégiature intégrés, complexes de maisons de vacances, ports d’embarquement de croisière, marinas etc…
Le modèle de développement suggéré par ce document est de recentrer la stratégie touristique dans le maintien des marchés géographiques, de pénétrer dans les pays émergents (Russie, Chine, Emirats …), tout en passant à des segments à plus haut revenu et en améliorant la qualité du produit Soleil & Mer par le développement d’un réseau de grandes stations intégrées et de maisons de vacances.
C’est le type de stratégie qui transforme les destinations en «ghettos touristiques de luxe», en excluant les communautés locales et en isolant le produit touristique de l’environnement culturel et naturel de la destination, pavant inévitablement la voie à la dégradation de son patrimoine. Je pense que qualifier ce type de développement comme étant conforme au «modèle de demande moderne et aux segments de marché croissants», prête à controverse. Il est certainement conforme avec la demande des grands investisseurs, en ignorant totalement sa non-durabilité, lorsque la durabilité est le vrai modèle de demande moderne et un segment de marché en pleine extension.
La réalité est que le tourisme durable est de plus en plus largement accepté – à tel point que l’UNESCO croit maintenant qu’il cessera d’être un courant alternatif pour devenir dominant dans une décennie. Selon l’OMT, «les choix touristiques sont de plus en plus influencés par des considérations de durabilité». Une étude de 2013 de TripAdvisor révèle que près des deux tiers des voyageurs considèrent «souvent» ou «toujours» l’environnement lors du choix d’hôtels, de transports et de repas. 66% des consommateurs dans le monde disent qu’ils préfèrent acheter des produits et des services de sociétés qui ont mis en œuvre des programmes visant à retourner des bénéfices à la société, selon un sondage de 2012 de Nielsen Wire.
Il est tout à fait évident que l’avantage concurrentiel des îles des Cyclades est lié à ce qui les a rendues des destinations aimées: leur identité unique, faite de microcosmes d’infrastructures de petite échelle, avec un environnement naturel et culturel unique. La valeur ajoutée doit être générée par la connexion des produits touristiques avec le patrimoine naturel et culturel, la production agricole locale, la gastronomie, ce qui déclenchera un effet multiplicateur dans chaque secteur de l’économie locale et conservera localement une plus grande part des recettes du tourisme. Ainsi l’amélioration de la qualité de vie (des habitants et des visiteurs) qui ensuivra, rendra la destination encore plus attrayante.
Pendant des décennies, le marketing des îles a été ciblé sur un grand marché de masse non identifié, qui voyage finalement principalement en haute saison et s’intéresse principalement au thème “Soleil & Mer”. Mais les technologies numériques offrent des outils aux destinations qui peuvent cibler quasi chirurgicalement des marchés de niche, des voyageurs qui ont des intérêts et un style de vie pertinent avec la destination.
Ainsi, un plan de marketing pour les îles des Cyclades n’aurait pas besoin d’avoir des critères géographiques et de ciblage des revenus, mais surtout des critères d’intérêt et de style de vie. Il devrait cibler les voyageurs intéressés par la découverte des communautés locales, de l’archéologie, de l’histoire, de la gastronomie, des arts, des sentiers de marche traditionnels, etc. Le produit “Soleil & Mer” serait un plus, exactement le contraire de ce que suggère la stratégie de la Préfecture, où tous les autres thèmes sont un plus au “Soleil & Mer”!
Ce type de tourisme ne contraindra pas seulement la destination à préserver son patrimoine, mais fournira des incitations et des fonds pour l’améliorer continuellement. En plus, c’est un type de tourisme qui se concentre moins en haute saison !
Le manque d’économie d’échelle qui est censé être un problème pour la viabilité économique des entreprises, est certainement un problème pour de nombreux types d’entreprises, mais probablement pas aussi grand que la concentration saisonnière. Il est tentant de dire qu’il ne constitue pas un problème pour les entreprises d’hébergement à l’ère des plates-formes de réservation et de l’économie du partage, où une petite opération est capable d’avoir le même type d’exposition que tout grand complexe.
Mais la taille est certainement importante pour beaucoup d’autres types d’entreprises, principalement dans les secteurs primaire et secondaire. La manière la plus appropriée d’aborder la question est le regroupement et d’autres formes d’association ou de coopération, la plus attrayante étant la création de coopératives attentivement constituées dans le respect des règles et de l’éthique établie pour ce genre entrepreneuriat. Les coopératives peuvent s’engager dans le tourisme, la production et la transformation des produits agricoles, les énergies renouvelables etc… Elles contribuent à la cohésion sociale et à l’autonomisation communautaire, et dans une conjecture de faillite et de dégénérescence de l’état, elles peuvent réinjecter des bénéfices dans des activités pas directement commerciales liées au tourisme, comme les arts et la conservation et la revitalisation du patrimoine culturel et naturel.
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