A l’instigation des Amis de Paros et avec l’aide du Consulat de France, la Mairie de Paros a magnifiquement restauré le monument commémorant le naufrage du «Superbe» au cap Delfini, à l’extrémité sud de la baie de Parikia.
L’érosion avait complètement déstabilisé la petite pyramide et, à l’été 2012, avait même laissé apparaître les ossements des neuf marins français enterrés là. Ce qui a, par ailleurs, permis d’établir qu’il s’agissait bien d’une sépulture, alors que plusieurs auteurs croyaient à un cénotaphe.
En 1833, «Le Superbe», un trois-mâts français de 74 canons faisait route de Smyrne vers Toulon. Son équipage de 570 marins, commandé par le capitaine d’Oysonville, faisait partie de l’Escadre du Levant, déployée par la France pour s’interposer entre les Russes et les Egyptiens qui voulaient occuper Smyrne. Mais la situation s’était apaisée et «Le Superbe» n’avait pas dû intervenir.
Début décembre, il reçut l’ordre de retourner en France pour prendre ses quartiers d’hiver. Il appareilla le samedi 14 décembre 1833 et, presque aussitôt, affronta un fort vent de nord-est qui dégénéra bientôt en une violente tempête.
«Le Superbe» est poussé entre Tinos et Mykonos, ses voiles se déchirent. Le vaisseau dégarni voit Paros, mais ne parvient pas à rejoindre le port fortifié de Naoussa. Il est emporté jusqu’à Parikia. Un mât se brise, tuant un matelot. Puis un autre mât casse. Le 15 décembre, vers 16 heures, le navire, balloté par des vagues monstrueuses, talonne un rocher. Il menace de se briser en deux.
Le commandant fait preuve d’un grand courage: il harangue ses hommes paniqués, leur interdit de quitter le bord avant que ne soit trouvé un moyen sûr d’abandonner le navire et fait tirer quatre coups de canon pour ameuter les villageois. Un officier tente de rejoindre la terre à la nage pour chercher du secours. Il y parvient, mais la tempête est trop brutale pour mettre des caïques à la mer. Le commandant fait lancer des filins attachés à des barils vides, espérant qu’ils atteignent la côte pour qu’on puisse tracter le navire. L’idée échoue, comme la tentative d’un autre officier de tirer un câble avec un canot.
Finalement, la grande chaloupe est mise à la mer. Elle emmène environ 120 hommes, mais se casse en accostant. Des radeaux de fortune en sauvent chacun une soixantaine d’autres. Et un pêcheur grec héroïque réussit à faire quatre allers et retours avec son caïque, ramenant ainsi une centaine de matelots. Les 150 derniers marins devront leur salut, le 17 décembre, au retour subit du beau temps. Hormis le marin écrasé par le mât de beaupré, seules huit victimes sont à déplorer, toutes noyées pour avoir tenté de s’en sortir par leurs propres moyens. Les neuf corps sont enterrés près de la rive, au cap Delfini.
Une équipe de renflouement sera sur place à Pâques 1834, pour remonter les canons, les ancres et divers matériels. Les plongeurs grecs découvrent alors qu’une chaîne d’ancre était rompue, ce qui avait rendu le vaisseau encore plus vulnérable.
Au début du siècle suivant, le petit cimetière improvisé pour les neuf victimes, fatigué par l’usure des éléments, faisait piètre mine. C’est alors que le consul de France à Paros, Nicéphore Kypreos, s’empare de la question: «Nous ne pouvons pas laisser se délabrer ce site après tout ce que la France a fait pour notre indépendance». Il obtient que la municipalité restaure le cimetière et que soit édifié un monument commémoratif. En forme de pyramide, haut de 2,30 mètres, il est inauguré en 1904, sous le mandat du maire Petros Baos et du gouverneur des Cyclades, N. Louriotis.
Aujourd’hui, la pyramide a retrouvé un socle solide. Il ne reste plus qu’à installer un panneau explicatif de ces événements. Les Amis de Paros et la Mairie s’y emploient.
• Article en grec in Παριανά, n° 114, juillet-septembre 2009, pp. 306-315
• Bulletin des Amis de Paros, n° 2, été 2010, p. 5
par Alain Desauvage
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