Fidèle à notre promesse de partager avec vous le travail artistique du céramiste parien Stelios Ghikas, accompagné du texte fort inspiré prêtre du Evangelos Valantasis, nous continuons cette fois avec la présentation de la vie monastique.
Dans cette troisième partie, cher lecteur, nous vous présenterons les sites monastiques de Paros. Pendant des centaines d’années, les moines, des hommes et les femmes, ont construit des forteresses spirituelles loin des lieux fréquentés pour se consacrer à Dieu seul. Dans ces régions peu fertiles, le Dieu monastique émerge à travers les vergers, ou la vue de la mer bleue, ou les géraniums rouge vif, ou les oliviers et les citronniers, et pénetre ensuite dans les espaces sombres et mystérieux des chapelles. Soyez un pèlerin et découvrez les monastères de notre île en commençant par ceux près de Parikia.
Les Saints Anargyroi
Sur la route périphérique de Parikia, juste après le cimetière, il y a un chemin qui mène au monastère qui domine l’agglomération. Il se trouve à une distance d’environ 45 minutes à pied, mais vous aurez certainement envie de vous arrêter et de se retourner pour regarder la ville et le port qui deviennent de plus en plus petit. Vous vous sentirez comme si le monde entier devient plus petit, comme écarté de la participation active aux rouages du monde, ce qui est la caractéristique principale de ce monastère.
Pour le moine, retiré du monde dans un tel endroit, toute autre activité outre la prière et la méditation semble comme un rêve, peut-être un cauchemar, ou au mieux une activité futile insaisissable et complexe. De la cour du monastère, le moine peut élever son régard à Dieu et les cieux glorieux, ou regarder en bas vers les préoccupations de la vie quotidienne.
Ce monastère est dédié aux Saints Cosmas et Damianos, deux médecins qui ne recevaient pas d’argent pour les services qu’ils offraient. Leur surnom, “Anargyroi”, signifie exactement “ceux qui n’acceptaient pas l’argent”. Leur souvenir est célébré le 1er juillet et la fête commence le 30 juin au soir. Plusieurs fois, même en automne, vous trouverez des fleurs séchées autour de l’image des saints Kosmas et Damianos dans la chapelle (l’icône du saint dans lequel l’église est dédiée se trouve généralement à coté de celle du Christ à l’iconostase).
Situé au-dessus de la ville, le monastère offre une oasis de tranquillité. La première chapelle, le plus proche de l’entrée, est l’église principale du monastère et a été construite en 1660. Les autres bâtiments ont été rajoutés au cours des siècles suivants. Une fois dans la pénombre du transept, vous pouvez réfléchir sur votre relation avec le monde et de repenser vos valeurs et c’est bien cela que faisaient des générations et des générations des moines.
En descendant le chemin du retour, arrêtez-vous un peu pour observer la beauté qui vous entoure. Sentir les arômes des fleurs et des herbes, frotter un peu de sauge dans votre main… Ces sensations cachent des pouvoirs thérapeutiques et c’est gratuit !
Loggobarda
Le monastère de Panagia Zoodochos Pigi est le joyau de Paros. Niché dans les montagnes entre Parikia et Naoussa, ce château fort monastique offre une vue sur la vallée jusqu’ à la mer. Aujourd’hui, le monastère est en plein essor.
Le chemin qui y mène traverse de champs d’herbes et de verdure. Le parfum de la sauge, la beauté du cardamon inondant le bord de la route et les couleurs des plantes sont le prélude à la sérenité que vous allez sentir, une fois entré dans le monastère. Lorsque vousvous approchez du bâtiment, vous apercevez une petite chapelle à l’intérieur du cimetière. Cette chapelle est pour la prière et elle est dédiée la mémoire des moines décedés. À côté se trouve un ossuaire, où réposent les crânes et les os des moines après l’exhumation de leur corps sept ans après l’enterrement, car l’embaumement n’est pas pratiqué en Grèce. C’est un endroit paisible dans un paysage magnifique, éloigné même de la vie du monastère. Ici la mort n’a rien de terrible, c’est en quelque chose la continuation d’une vie consacrée à Dieu.
De l’espace sacré du cimetière on arrive au grand mur extérieur du monastère. Regardant de la porte, le bâtiment semble grand (quatre à cinq étages) et imprenable. Il y a des signes interdiction – l’accès n’est réservé qu’aux hommes, le port des vêtements appropriés et le respect de la vie monastique. Cependant, ces interdictions sont vite oubliées devant la beauté et la grâce des bâtiments et les moines que vous rencontrez. Sonnez et attendez pour qu’un moine vient vous ouvrir. Cela prendra un certain temps, parce que les moines ne sont pas pressés d’ouvrir leur porte aux laïcs, et il existe une tradition de laisser attendre un peu devant la porte les visiteurs qui souhaitent entrer dans le couvent, afin de vérifier leur perséverance.
Lorsque vous entrez dans l’enceinte du monastère, la première chose qui vous impressionne est la beauté immaculée des murs blanchis à la chaux. La lumière semble imprégner le corps et l’âme, comme vous-vous adaptez à l’espace et aux volumes qui ressemblant à une petite ville. Les moines, dont les cellules sont à l’étage supérieur, marchent lelong d’un couloir semi-couvert situé au dessus de la portique d’entrée. La chapelle du monastère, un bâtiment datant de 1638 se dresse en face de vous. Il est plein de magnifiques peintures et de photographies, l’odeur de l’encens imprègne le bois et l’air vibre par les prières des moines. La bonne chose est d’abord d’aller dans la chapelle pour prier, puis d’engager une conversation avec un moine. Et surtout prier devant l’image miraculeuse de la Vierge Marie, Zoodochos Pigi (se trouvant à gauche de la Grande Porte du sanctuaire) – à qui est dédié le monastère. Surtout le temps de la prière du soir, la lumière fait onduler sa voile et il semble qu’elle ouvre ses bras aux visiteurs.
Après la prière, vous pouvez avoir la chance de discuter avec un moine. La plupart ne parlent que le grec, et peut-être quelqu’uns connaissent l’anglais, l’allemand ou le français – mais c’est assez pour regarder profondément dans les yeux ces gens qui ont consacré leur vie à la prière, dont l’âme est ouverte à Dieu et accueillant ceux qui cherchent Dieu. Qui a besoin des mots, devant une telle sainteté ?
Souvent les moines offriront leur “bénédiction” dans la salle d’attente de l’abbé à l’étage supérieur. La “bénédiction” consiste en un verre d’eau froide, un peu de boisson aloolisé et un loukoumi. Ne vous attendez pas à une discussion, vos hôtes fournissent la «bénédiction» et ensuite ils quittent la salle pour vous laisser manger et boire face aux photographies austères de vieux abbés et d’autres hiérarques orthodoxes. Souvent, sur la table il y a plusieurs textes réligieux dans différentes langues. Après la «bénédiction», vous pouvez quitter les lieux, non sans avoir demandé au préalable la bénédiction de l’ hégoumène en personne ou du moine qui vous a accompagné.
Le monastère de Taxiarchis, Archange Michaël
Sur la route principale de Parikia à Naoussa, de l’autre côté de la vallée, aux colines en face du monastère Logovarda, se trouve le monastère de l’Archange Michaël, communément appelé le « commandant ». Dans les églises orthodoxes, les deux archanges, Michaël et Gabriel, gardent l’entrée du sanctuaire. On trouve leur représentation en haut des portes de l’eglise pour la protéger et pour avertir ceux qui viennent implorer la protection divine dans ces lieux sacrés. Le mot «taxiarque» se réfère à un grade militaire, c’est quelqu’un qui dirige une grande armée toujours prête à combattre. Et c’est un nom approprié pour ces guerriers de l’esprit, en occurrence les moines, les23 quels depuis de nombreuses générations ont vécu, combattu et prié dans ce monastère. La vie monastique a toujours été assimilée à la lutte contre toutes ces choses qui empêchent l’homme d’atteindre la sainteté et l’Archange Michaël est le témoin de cette lutte.
L’église, autour de laquelle le monastère fut bâti, a été construite par un illustre inconnu, Marino Bitzara en 1643, comme témoigne une plque de marbre dans l’église. Les premiers moines ont construit leur monastère quelques années plus tard, en 1676. Au cours de son histoire, le monastère abritait autrefois les femmes et parfois des hommes, mais aujourd’hui, il est vide. Pendant quelques années, il y avait un ermite de Loggabarda, mais son âge avancé l’a forcé à réjoindre sa communauté.
Contrairement à la plupart des monastères de Paros, celui-ci est principalement construit en bois, à l’exception, bien sûr, du mur de pierre extérieur. A l’intérieur, il rappelle une maison médiévale – l’étage inférieur pour les animaux, la cuisine, le stockage et à l’étage on y trouve les cellules des moines, les salles de réunion et les salles de réception. C’est une belle bâtisse et possède des chambres spacieuses (au moins pour les normes monastiques), toutes avec vue sur la vallée.
Le monastère des Taxiarchis témoigne de la tranquillité de la vie monastique. Sis au-dessus du monde animé, visible à tous, les moines priaient et lisaient dans un silence absolu et parlaient peu entre eux. Ce silence déconcertant été suivi avec passion, parce qu’ils croyaient qu’il les guidait vers Dieu qui était partout, derrière l’apparence des choses. Le silence était donc la clé pour révéler les mystères de Dieu et le principal moyen de leur lutte. Les moines avaient besoin de quelqu’un comme l’Archange Michaël, le commandant de l’armée des anges, pour les protéger de la tourmente du monde extérieur, pendant qu’eux ils exploraient leur monde intérieur.
Le monastère de la Métamorphose (Christ dans la forêt)
Parfois, un monastère n’est pas seulement un monastère. Ce couvent de la Transfiguration reservé aux femmes, que tous les habitants appellent « Monastère du Christ dans la forêt », a deux objectifs importants : il abrite une communauté de religieuses et c’est le lieu de sépulture de Saint-Arsenios de Paros.
Le monastère tire son nom de la Transfiguration du Christ, quand Elie et Moïse ont vu Jésus sur la montagne accompagné de Pierre et Jean, et ses vêtements blancs étincelaient. L’église et les premiers bâtiments auxiliaires du monastère ont été financé par la famille Mavrogenous, une illustre famille qui a fondé et soutenu un grand nombre des édifices religieux post-byzantines de l’île. La chapelle, le « katholikon », est un bâtiment assez grand et imposant. Un certain nombre de femmes vivent au monastère.
Ce qui rend ce monastère intéressant, c’est la présence de la relique du Saint Arsenios de Paros dans la chapelle. Saint Arsenios (1800-1877) était un moine du monastère de Saint-Georges et il est devenu chef spirituel des religieuses qui vivaient dans le monastère. En général, les femmes célibataires ont suivi les rites monastiques masculines pour la messe et les sacrements, sous la guidance et les conseils pertinents fournis par un moine homme qui servait comme chef spirituel de la communauté. Habituellement, les monastères ont un lieu de séjour pour le chef spirituel, situé à une certaine distance des appartements réservés aux femmes. La chapelle est située à l’endroit où Arsenius a vécu lors de son séjour au sein du monastère. La relique est restée là depuis, parce qu’il est mort pendant l’exercice de ses fonctions. En face du monastère, on a construit une grande eglise qui lui est dédiée.
Alors pourquoi ne pas avoir enterré le Saint ? Pourquoi expose-t-on les reliques devant les yeux des fidèles et autres pèlerins ? Pour les orthodoxes, la preuve significative d’une sainteté c’est l’incorruptibilité de la chair. Après la mort, le corps d’un saint n’est pas désagregé comme les corps des gens ordinaires, mais reste indestructible – asséché, mais intact. Lorsque vous approchez des reliques, vous voyez la chair déshydratée de la main du Saint. Mais pour les religieuses, la chair du saint est beaucoup plus. Ellles sont devenues les gardiens de la tradition sacrée que leur a laissée le canonisé Arsenios et sont les témoins de ses pouvoirs miraculeux encore aujourd’hui.
Le monastère est devenu un lieu de pèlerinage. Ici, les gens qui cherchent des guérisons miraculeuses et des visions impressionnantes viennent prier pour se faire aider, attendent un miracle pour une guérison rapide. Malades, aveugles, handicapés, malades mentaux – nous montons tous les mêmes marches. Certains reçoivent la bénédiction du Saint et certains partent avec l’espoir encore intact. Les religieuses prodiguent des soins à tous ceux qui viennent demander la guérison miraculeuse. Elles écoutent les problèmes des pèlerins, en leur fournissant un abri et de la nourriture, donnent généreusement leur aide et joignent leurs prières avec celles de tous ces gens désespérés, en vue de resorber en quelque sorte la tristesse et le désespoir de ceux qui viennent à leur petit monastère. Et elles intègrent à leurs prières les peines des autres, d’une certaine façon elles portent le poids de ces personnes.
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