J’ aime beaucoup mon caique, la « Sultana », parce que je l’ ai fait construire avec beaucoup de privations et sans subsides. Je ne veux pas que le bulldozer l’ écrase. Mieux vaut mourir!
Les pêcheurs sont des gens qui ont grandi à la mer et restent tellement liés à celle-ci, qu’ on dirait que dans leur veines c’ est l’ eau de mer qui coule. Fouétés par l’ eau salée, aux mains sculptées par celle-ci, peu bavards et directs, ce sont des êtres plutôt de la Mer (du Grand Mystère, comme ils l’ appellent) que de la Terre. J’ ai alors décidé d’ en interviewer un, qui, en tant que pêcheur typique, a déjà fait l’ objet de plusieurs reportages dans des revues et des médias étrangers. J’ai rencontré Vassilis Alimbrantis (Vassilaros) dans son «caique», la Sultana, sous un vent de 10 sur l’ échelle Beaufort , tandis que lui, bien couvert et intrépide, préparait dans son bateau les filets de pêche. Il bravait le froid et son amour pour la mer réchauffait l’ ambiance. Au moment propice j’ ai commencé à lui poser des questions :
-Vassili, est-tu vraiment amoureux de ton métier ?
Je le pratique depuis l’ âge de 5 ans et 50 ans après j’ en demeure amoureux et ne peux m’ imaginer de faire autre chose.
-Comme est-ce la vie dans le caique ? Te sens-tu solitaire dans la mer ?
Je ne sens pas la solitude, jamais …au contraire, l’ eau me fait monter l’ adrénaline. Quelque fois elle agit aussi comme le meilleur calmant. Je pense à tout ce qui fait mon travail : comment pêcher, quel est le produit de la peine que je me donne, comment faire face aux dauphins et aux phoques. Mon but c’ est de bien gagner mon pain. Et les conditions météo n’ y sont pas toujours favorables.
-Autrefois la mer était plus généreuse, crois-tu qu’ il faudrait que les professionnels et les amateurs devraient se regarder tous dans le miroir pour ce qui concerne l’ état actuel des ressources de pêche ?
La destruction de la mer est due aux activités illicites qui ne sont pas contrôlées. Les dauphins ne nous laissent pas respirer. La législation hellénique est injuste en ce qui concerne la pêche côtière, par rapport au passé.
-Je me rappelle, par le passé, les pêcheurs professionnels pouvaient nourrir des familles entières avec une petite barque. Est-ce encore possible ?
Absolument pas ! D’ abord parce que les captures se sont réduites à cause des activités illicites, ensuite parce que les dépenses sont immenses. Il n’ y a pas d’ intérêt pour l’ achat de poissons en hiver, à cause des difficultés financières, tandis qu’ en été, le « meltem » ne nous permet pas d’ aller pêcher. Cela m’ exaspère que les poissons ne soient pas vendus à leur juste valeur. Pour vivre ma famille, il faut que je fasse un autre travail en été.
-Tu appartiens à une minorité qui garde un vaisseau en bois. Que penses-tu du démantèlement des bateaux en bois et quel en a été l’ impact sur la pêche ?
C’ est destructeur ! D’ abord pour le patrimoine culturel, parce que chaque caique en bois est unique et a été construit avec beaucoup de peine selon les règles de l’ art et la législation européenne a détruit, dans la réalité grecque, ce qui a été construit avec de la sueur, de la faim et des larmes. J’ aime beaucoup mon caique, la « Sultana », parce que je l’ ai fait construire avec beaucoup de privations et sans subsides. Je ne veux pas que le bulldozer l’ écrase. Mieux vaut mourir.. !! Depuis 25 ans, je l’ ai vu grandir comme s’ il était mon enfant et je ne permets pas à des lois injustes de nous démolir en tant que « pêcheurs traditionnels ».
-Combien de pêcheurs professionnels reste-t-il à Naoussa pour la pêche côtière ?
Autrefois Naoussa en avait une cinquantaine, et maintenant il en reste une dizaine, qui ne peuvent pas continuer dans ces conditions. Plusieurs caiques se mettent au tourisme de pêche (« halieutique »). Si la politique centrale ne s’ intéresse pas sérieusement à la profession de pêcheur et non pas qu’ aux amateurs, les poissons seront importés et congelés. L’ intérêt des visiteurs disparaîtra, tout comme le caractère de Naoussa en tant que village de pêcheurs.
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