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Texte de réflexion des AdPA
Un développement non maîtrisé et laissé à la seule initiative privée.
Paros a connu un développement rapide depuis une vingtaine d’années. Dopé par son attractivité touristique, Paros a en effet connu les dernières dizaines d’années un développement accéléré, désordonné, qui a certes conduit à une augmentation significative des revenus de la société, mais au prix d’une surexploitation de ses ressources, la dégradation de son environnement et d’un affaiblissement de son identité.
Cela a aiguisé et amplifié les problèmes que Paros connaissait: approvisionnement en eau, gestion des eaux usées, déchets et leur traitement, circulation de véhicules croissante non absorbée par les routes, accroissement considérable des surfaces bâties modifiant le paysage et la biodiversité, privatisation croissante des espaces publics y compris naturels, modifications profondes des pratiques professionnelles et des métiers, diversification sociologique, culturelle et ethnique de la population, modification de la structure d’âge, déficit de l’offre professionnelle, insuffisance de l’offre médicale, crise du logement pour les médecins, infirmiers, enseignants, policiers, serveurs, etc.
De manière plus précise, notons au niveau de:
L’approvisionnement en eau
Les aquifères sont exploitées plus rapidement qu’elles ne se régénèrent, et la désalinisation de l’eau de mer utilisée comme solution n’est pas une panacée,…
Les aquifères sont exploitées plus rapidement qu’elles ne se régénèrent, et la désalinisation de l’eau de mer utilisée comme solution n’est pas une panacée, cette technologie à un coût et une consommation énergétique élevés ayant des effets néfastes sur l’environnement par la salinisation dramatique des zones d’émission des saumures résiduelles, détruisant les fonds marins. Aucun effort n’est fourni dans le sens de la réduction de la consommation et du captage des eaux de pluie, que ce soit dans des travaux publics d’enrichissement de l’aquifère ou de l’imposition aux consommateurs de les collecter individuellement.
En revanche il faut prendre note de la volonté de l’entreprise municipale d’approvisionnement en eau et d’assainissement qui s’est engagée les deux dernières années dans des travaux de traitement secondaire des eaux usées qui devraient aboutir à leur stockage et leur réutilisation. Pareillement, elle a déjà remplacé une partie du réseau de distribution qui contenait souvent de l’amiante et souffrait de fuites, causant d’immenses pertes.
La gestion des eaux usées
Une grande partie des habitations de l’île ne sont pas connectées au réseau et la réutilisation est pratiquement inexistante. Aucune obligation de traitement n’est imposée aux habitations non connectées – menaçant du coup, à terme, la qualité des nappes.
La gestion des déchets
Nonobstant les ambitions salutaires de « BlueParos » et quelques initiatives anecdotiques, la prévention de déchets, leur réutilisation, le tri-recyclage sont sinon inexistants, en tous cas très rudimentaires. La décharge à Agios Charalambos-Aneratzia qui dessert Paros et Antiparos, reçoit des déchets non-triés et est saturée depuis très longtemps, polluant toute la vallée. Son étanchéité protégeant l’aquifère est sérieusement mise en doute.
Aucune donnerie ni déchetterie n’existent où la population pourrait venir déposer de façon sélective ses objets de consommation superflus, ou ses déchets, en vue de leur réutilisation ou recyclage. Les règles élémentaires de gestion de déchets 3 R, Réduire, Réutiliser, Recycler, ensuite, valoriser énergétiquement ce qui subsiste et ne plus rien mettre en décharge ne sont pas respectées. Les retours en fin de vie des électroménagers (des frigos avec gaz réfrigérants polluants en particulier) et autres déchets dangereux sont très mal encadrés. Personne ne sait où ils finissent!
Le « centre de tri » de Kostos-Asteras (ou ce qui passe pour tel) vers lequel certaines collectes de recyclables sont dirigées n’est qu’improvisé, sans équipements adéquats. Les conditions de travail y sont déplorables, et il ne dispose pas de permis d’environnement en bon ordre. La gestion des déchets de jardin et agricoles est pratiquement inexistante.
Des chantiers de tri de gravats, de déchets et débris de construction et de déblais de gravats sont improvisés ici et là, sans permis aucuns, apportant des nuisances sonores et de poussières au voisinage. La Municipalité passe des marchés avec certains de ces opérateurs illicites.
En saison touristique, les services de collecte, utilisant des camions largement amortis et donc plus polluants, même en travaillant dur, ne réussissent pas à desservir à temps les sites de stationnement de conteneurs à vidanger – qui deviennent autant de sites malpropres, avec envolées de déchets puisque, bizarrement, la règle est de garder les couvercles des conteneurs ouverts. Les autorités chargées de la mise en application et du respect du règlement municipal de propreté des voies et espaces publics, pourtant bien élaboré, sont absentes.
La circulation routière
La croissance du nombre de véhicules ne peut plus être absorbée par les routes et les parkings en saison, alors que les piétons et autres utilisateurs de “mobilité douce” tels les cyclistes sont tout simplement ignorés. Circuler devient dangereux, aucune limitation de vitesse effective n’étant imposée sur l’île, et avoir un accident … devient mortel quand l’ambulance est bloquée dans les embouteillages. Les véhicules encombrent les villages traditionnels. Mise à part un système de transport public, méritoire certes mais … uniquement opérant par grand bus encombrant et lent, et de taxi devenant chers et surbookés, pas d’alternatives.
Et puis, mis à part quelques initiatives privées, et malgré la loi grecque qui annonce et impose l’électrification forcée du parc automobile à l’horizon 2030 (celui des taxis en 2025), aucune mesure publique ne semble émerger
La surconstruction
La construction excessive hors zones urbaines, souvent non-contrôlée, modifie le paysage et la biodiversité Cycladique. Pourtant, le Conseil d’État a pointé la nécessité de veiller à vérifier la capacité de l’île à accueillir de nouvelles constructions. Depuis 2015, plusieurs milliers de maisons auraient été construites. Inutile de douter que ce rythme n’est pas soutenable.
La privatisation croissante du littoral et autres espaces publics
Les plages sont occupées par des exploitants abusifs. De même les trottoirs et autres passages pour les piétons sont occupés par des restaurants et cafés privés. Encore un exemple, les sentiers qui autre fois permettait de faire le tour de l’île à pied sont intégrés dans des propriétés privés entravant l’accès à la mer.
L’insuffisance de l’offre sanitaire
Absence de spécialistes, des urgentistes, des capacités opératoires, gynécologues, et sage-femmes.
La crise du Logement
Les logements existants sont exploités en location de courte durée, anéantissant l’offre pour les travailleurs saisonniers et les agents publics (personnel médical, enseignants, policiers, etc.).
Nous vivons quotidiennement ces problèmes qui réduisent notre qualité de vie.
Ce développement s’est caractérisé par le faible rôle joué par les acteurs publics et l’espace important laissé à l’initiative privée. A la multiplication et aggravation de ces défis s’ajoute une crise de la gouvernance, un déficit de services publics, une absence de la planification et surtout des procédures de délibération et de consultation de la population, capables de dessiner un projet commun.
Enfin, on peut souligner un usage insuffisant de fonds européens pour financer des investissements nécessaires – (pourtant faiblement présents) et parfois utilisés sans toujours respecter tous les règles et procédures.
Il nous parait nécessaire de ralentir le rythme de la croissance économique, de promouvoir une véritable durabilité, une circularité, en améliorant qualitativement l’offre de services et activités. Cette amélioration est la seule qui puisse garantir le maintien, voire le croisement, du revenu disponible.
Pour améliorer la situation et vivifier le débat public
Le lancement de la prochaine campagne électorale en vue d’élire un nouveau conseil municipal pourrait fournir l’occasion de poser les constats, de les hiérarchiser et de planifier les actions prioritaires.
Une gestion commune de Paros et Antiparos serait mutuellement bénéfique aux deux îles.
Voici quelques pistes pour le débat à conduire dans des regroupements citoyens et lors de la tenue de séminaires, réunions d’information, et ateliers.
…l’insertion d’une offre touristique patrimoniale attribuerait une valeur supplémentaire à l’offre principale et permettrait en outre l’accès à de nouveaux segments de marché de meilleure qualité (tourisme qui génère des recettes élevées et qui apprécie et protège l’environnement). Et contraindrait la destination à sauvegarder son identité !
- L’identité de l’île qui en a fait une destination touristique de masse est en voie de dissolution par un développement non géré. De ce fait, son caractère Cycladique est destiné à disparaître irrémédiablement. Il est nécessaire et urgent de transformer la croissance économique et le tourisme de masse en installant une vraie durabilité, garantissant la pérennité de l’attrait de l’île en diversifiant qualitativement l’offre touristique privilégiant la promotion du patrimoine culturel et naturel. En fait, l’insertion d’une offre touristique patrimoniale attribuerait une valeur supplémentaire à l’offre principale et permettrait en outre l’accès à de nouveaux segments de marché de meilleure qualité (tourisme qui génère des recettes élevées et qui apprécie et protège l’environnement et la culture). Et contraindrait la destination à sauvegarder son identité !
- L’amélioration des services de toutes sortes rendus à la population et aux touristes passe nécessairement par une forme de régulation (par exemple, par fiscalité différentiée, par subside ou autres moyens à déterminer) de l’utilisation du parc immobilier, assurant la mise à disposition d’une offre de logement de qualité à un prix raisonnable aux professionnels (de l’ouvrier saisonnier au médecin, passant par le maçon, l’électricien, le policier et l’enseignant, et autres professionnels de la population).
Dans le même sens, la réglementation des locations à courte durée peut augmenter l’offre de logement à longue durée. - La consultation de la population, y compris allogène, doit précéder les débats publics et les prises de décision. Tout le public concerné – résident ou second-résident) doit être associé au développement de projets le concernant, et informé de façon transparente, comme le veut la Convention de Aarhus, souscrite par la Grèce. Une culture démocratique et de compromis doivent prendre leur essor.
- La circulation doit être facilitée et prise en charge par des transports publics diversifiés et la mobilité douce doit trouver sa place. Les places de parking doivent se développer, permettre l’électrification du parc automobile, la circulation à pied et à vélo facilitée et généralisée dans agglomérations et surtout dans les villages traditionnels. Des itinéraires sur l’ensemble des îles, réservés à la mobilité douce (piétons, cyclistes) doivent être aménagés. Le nombre de véhicules admissibles sur l’île doit être évalué et des limites imposées.
- L’offre de soins médicaux doit s’améliorer par l’accueil de qualité du personnel qualifié, par la meilleure collaboration entre les structures médicales existantes, privées ou publiques, et par l’amélioration du service d’ambulance.
- Les structures de service à la population doivent être maintenues et accrues. Les services publics développés (poste par exemple) et ils ne doivent pas être abandonnés en catimini comme ils le sont actuellement.
- Une task-force « environnement » doit être mise en place, sortant Paros et Antiparos de leur apathie, pour assainir tout ce qu’il y a lieu de faire, appelant les moyens mis à dispositions par l’Europe le plus efficacement possible.
- Il y a lieu de placer Paros parmi les îles durables. Ainsi, l’île doit disposer à court ou à moyen terme d’un fonctionnement de préférence sans émissions de gaz à effet de serre. A défaut, c’est la chronique d’une mort annoncée. Pour ce faire, un programme d’aide à la conversion des entreprises locales doit être lancé.
- La vie culturelle doit être maintenue et diversifiée toute l’année. Une réflexion doit être entamée sur ses axes prioritaires. Pourquoi ne pas attirer des institutions culturelles – voire académiques – à prendre pied sur l’île ? Comment aussi développer des activités pour des populations cibles – jeunes, seniors – ou encore des activités liées au cycle des activités économiques de l’île.
La sauvegarde et la valorisation du patrimoine naturel, culturel et archéologique ainsi que le support à la vie culturelle, peuvent être assurés par l’attraction ciblée de visiteurs intéressés à l’histoire et à la préservation du patrimoine et de la culture locale. - Paros jouissant d’un climat particulier, elle dispose d’atouts mer, montagne pour s’attirer des sportifs non seulement en natation et nautisme, mais également en marche à pied, en cyclisme, en triathlon. Autant de possibilités d’étendre la saison touristique en dehors des mois les plus chauds. Le support au développement des structures d’accueil des télétravailleurs, artistes, écrivains, scientifiques etc peut vivifier nos îles toute l’année. L’infrastructure internet, encore facilement saturée, doit être améliorée à cet effet.
La gestion de la destination nécessite une coalition de nombreuses organisations et de nombreux intérêts qui travaillent à la réalisation d’un objectif commun, à savoir l’assurance de la compétitivité et de la durabilité de la destination touristique. Le rôle de l’organisation de gestion de la destination (OGD ou DMO) devrait être de diriger et de coordonner les activités dans le cadre d’une stratégie cohérente en vue de la réalisation de cet objectif commun.
UNWTO
Mathey says
Nous habitons depuis plus de 15 ans sur l’île et suivons vos prises de parole. Parfaitement d’accord avec ce qui est dit dans votre longue contribution ci dessus. Nous. con statons les dégradations dans tous les domaines abordés. Nous habitons entre Tsoukalia et Isterni. Depuis qq années les constructions mitent la plaine, 5 cet hiver. La piste magnifique entre Ambelas et Santa Maria est irrémédiablement détruite. Juste une remarque, c’est souvent des résidents haut de gamme qui détruisent l’équilibre de l’île, bord de mer inaccessible, piscines, constructions dans des espaces protégés dont le style Californie n’a rien de cycladique, disparition des tavernes au profit d’établissements de type international, hélicoptères taxi insuportables. Mais la responsabilité des grecs est déterminante.
Mais poursuivez votre réflexion très pertinente et informez nous. Merci, belle année à vous sur notre île de Paros
Isabelle says
Le programme est parfait mais, en pratique, que se passe t il ?