Le projet d’extension de l’aéroport conduit à la « mykonisation » de Paros et Antiparos , destructrice de valeur économique, de qualité sociale et environnementale et de leur durabilité.
Nous avons lu avec attention différents articles de chauds partisans du projet d’extension de l’aéroport.
Tous cherchent à rassurer ceux qui s’inquiètent d’un tel projet parfaitement surdimensionné d’autant que celui-ci n’a pas fait l’objet des consultations préalables d’ordre légal et que les rapports officiels en minimisent délibérément la plupart de ses conséquences néfastes.
Souvent entachés d’imprécisions comme d’inexactitudes, ces articles minimisent les preuves de «mykonisation» de PAROS/ANTIPAROS et occultent totalement la problématique de développement durable.
Remarque N°1 : l’accueil actuel à l’aéroport de PAROS doit être sensiblement amélioré, mais pourquoi ne l’a ton pas fait plus tôt ? Pourquoi aurait-on besoin d’un projet manifestement surdimensionné ? Pourquoi rallonger la piste ?
C’est une évidence que les salles d’embarquement, d’attente, de récupération des bagages, notamment sont bien trop « étriquées ».
Mais pourquoi donc est-ce ainsi ?
Faute de moyens financiers à l’époque car faute d’investisseurs locaux ?
Si l’objectif était d’accueillir plus de passagers afin de développer le tourisme, pourquoi n’a- t-on pas investi plus et mieux à l’époque ?
La main invisible du marché a donc été bien défaillante alors !
A l’époque, on avait dépensé de l’ordre de 26 millions ce qui a permis de financer les travaux de gros œuvre de la piste, poste le plus coûteux de l’infrastructure, mais le budget était insuffisant pour « soigner » l’accueil.
A présent, on parle de dépenser 46 millions ; Pourquoi un quasi doublement dans les investissements alors que tout le terrassement de la piste est déjà réalisé ?
N’est-il pas légitime de s’interroger sur le dimensionnement de l’extension envisagée ?
A-t-on besoin vraiment de 13000 m² de bâtiments ?
A-t-on vraiment besoin de surfaces de duty-free ou d’accueil « hors SCHENGEN » ?
Quelles sont les hypothèses de trafic qui sous-tendent un tel dimensionnement ?
Se prépare-t-on à accueillir quotidiennement des milliers de touristes par voie aérienne ?
Ou, au contraire, doit-on craindre un futur « éléphant blanc » (référence aux infrastructures sur dimensionnées réalisées en Espagne durant la folie immobilière de la fin des années 2000 et restées vides) ? Comme ce sont des subventions européennes, qui se souciera d’un quelconque gaspillage financier ? personne ne se souciera d’éponger les éventuelles pertes induites ; personne n’évoque les conditions financières de fonctionnement du futur ensemble aéroportuaire. Décidemment, la main invisible du marché est bien absente des raisonnements !
Mais surtout, une large partie de ces capitaux ne serait-elle pas mieux employée ailleurs, tout particulièrement afin d’améliorer d’abord d’autres infrastructures de l’île (cf. point suivant) ?
Ainsi, a-t-on vraiment besoin de rallonger la piste actuelle de 1.400 m ?
C’est une vraie question qui ne devrait pas être éludé et qui n’a que peu de rapport avec les considérations de sécurité, invoquées de manière mensongère pour arracher des subventions de la communauté européenne destinées à promouvoir le développement durable.
En effet, avec une piste de 1400 m, Paros a vu son trafic aéroportuaire plus que tripler en trois ans, et cela en toute sécurité !
Mieux encore, tous les objectifs de trafic initialement prévus à horizon 2035, tels que figurant dans les documents d’évaluation d’impact environnemental établis pour la demande de permis d’extension, ont été atteints voire dépassés, dès 2019.
On a donc pris 15 ans d’avance par rapport aux plans initiaux, avec une piste de 1.400 m, en toute sécurité et par tout temps !
Que veut-on donc de plus ?
Toujours plus ?
Toujours plus de touristes à tondre, arrivant bientôt par charters entiers ?
Mais cela est-il vraiment compatible avec le positionnement haut de gamme et le développement durable, tels qu’invoqués de manière incantatoire dans l’article ?
En vérité, l’article défend une stratégie totalement démodée de développement du tourisme de masse, une « tyrannie du nombre d’arrivées « telle que fustigée par le Premier Ministre Mitsotakis.
Nos préconisations sont très différentes mais de simple bon sens ; elles visent véritablement un objectif de développement durable à PAROS :
- Améliorons les capacités d’accueil et le confort à l’aéroport, mais sur des hypothèses raisonnables de croissance maîtrisée du trafic aérien, à partir du haut niveau déjà atteint en 2019 ; n’oublions pas de faire de même pour les infrastructures portuaires !
- Restons respectueux des normes cycladiques (ce qui n’est absolument pas le cas dans le projet actuel) pour des bâtiments redimensionnés, très mal conçus pour satisfaire la neutralité carbone, ce qui est aberrant à notre époque
- Annulons le projet de rallonger la piste pour accroître la fréquentation : c’est inutile ; cela compromet l’avenir et on y arrive très bien sans cela.
- Soulignons qu’il n’est pas sérieux d’affirmer qu’il y aurait une quelconque demande solvable pour justifier des dessertes directes de PAROS vers des capitales européennes ; les règles du marché sont incontournables !
- Évitons ainsi une fuite en avant promise par ce projet pharaonique qui se positionne en compétition frontale avec les aéroports voisins de MYKONOS et SANTORIN ; cela constituerait une véritable négation de la conception du développement durable et, soyons clair, les autorités aéroportuaires de PAROS ne sont pas de taille à affronter FRAPORT GRÈCE !
- Contentons-nous d’augmenter les rotations à partir d’ATHENES ou THESSALONNIQUE en recherchant la meilleure fluidité pour les passagers en transit sur ces deux hubs ; on y gagnera en flexibilité, en efficacité logistique et économique, pour bénéficier au mieux des progrès de l’aviation pour respecter les contraintes environnementales.
- Au cours de cette phase d’amélioration de l’aéroport de PAROS, il est indispensable de réfléchir aux mesures à mener rapidement, in situ, afin d’y réduire l’empreinte carbone. Tous les aéroports « sérieux » s’attellent à cet objectif impératif ; soyons donc sérieux, dès maintenant, sinon cette impréparation coûtera très chère en certificats de carbone à acheter pour compenser cet excès de pollution.
Mais alors, qui devra payer ces surcoûts résultant d’une vision affairiste à court terme comme d’une coupable impréparation aux enjeux immédiats, notamment en matière de changement climatique?
Les Pariens sont-ils conscients qu’ils supportent un risque économique et fiscal ?
Remarque N°2 : les infrastructures à PAROS sont saturées
Ce constat est partagé par tous les observateurs objectifs : les infrastructures de l’île sont soumises à fortes tensions, au moins depuis 2018 : embouteillages chroniques à PAROIKIA ou défaillances flagrantes dans le traitement des eaux usées (notamment à PAROIKIA) ou le ramassage des ordures, débit insuffisant en fin d’après-midi pour la 4G ou l’eau, etc…
Les raisons en sont très simples : la population permanente hors saison sur l’île est de l’ordre de 14.000 habitants; en 2016, les arrivées en cumul annuel s’élevaient à 708.000 par bateau et 38.000 par avion ; deux ans plus tard, on en était à 924.000 par bateau et 93.000 par avion, soit une progression vertigineuse de 36% ; avec les chiffres officiels de 2019, on approche alors en cumul annuel à 400.000 arrivées supplémentaires en trois ans, dont au moins 42% (source : HCAA) se concentrent sur les deux mois d’été, avec un séjour moyen sur l’île de plus de 8 jours (source INSETE en moyenne nationale ; probablement séjour moyen plus long à PAROS ).
C’est donc au minimum 22.400 habitants supplémentaires depuis 2016, qui séjournent en permanence à PAROS durant juillet et août, avec des pics de fréquentation marqués au cours des deux premières semaines d’août ; en 3 ans, le nombre de résidents de PAROS s’est donc accru de plus du double de sa population résidente, au-delà du nombre de touristes accueillis auparavant.
Or, déjà en 2016, il y avait beaucoup de monde à PAROS en août, de l’ordre de 42.000 selon nos estimations.
Bien évidemment, malgré un tel afflux, les infrastructures n’ont pas suivi ; et il est douteux qu’elles puissent combler leur « retard » avec les projets en cours tels que détaillés superficiellement dans l’article.
Ainsi, son argument sur le raccordement électrique de l’île avec le continent qui constituerait une fourniture permanente d’électricité néglige la précarité du réseau de distribution sur l’île, son état archaïque et sous-dimensionné. De plus, même si la connexion au continent est dimensionnée largement, la permanence d’approvisionnement électrique pour PAROS n’est pas assurée pour autant ; tout simplement parce que la hausse de la fréquentation touristique affecte l’ensemble de la GRECE, en même temps ; dès lors, le réseau électrique national se trouve confronté à des pics de consommation ici ou ailleurs, partout où les hordes touristiques déferlent, en même temps, très difficiles à gérer autrement que par des centrales fossiles (les seules à pouvoir être sollicitées aisément ; peut-on remettre en route la centrale de NAOUSSA ??) ou par des délestages, ce qui se produit régulièrement.
Que penser alors des émissions de CO2 records pour satisfaire cette demande d’énergie très élevée ? Les fournisseurs doivent lancer leurs unités de production souvent les moins efficientes, qui s’avèrent généralement les plus polluantes.
Voici, un autre argument, simple et irréfutable que le tourisme de masse n’est pas compatible avec les impératifs climatiques.
Quant au problème des eaux usées, on oublie que pour pouvoir traiter les eaux de manière centralisée, il faut les collecter. Or, l’habitat susceptible d’accueillir ces cohortes de nouveaux arrivants (peu susceptible d’être réalisé dans les zones actuellement déjà fortement urbanisées) sera-t-il desservi par un système d’égout ? Sera-t-il suffisant pour soutenir la croissance future ? De plus, il faudra probablement revoir de A à Z le système du tout à l’égout en ville : bonne chance !
Les financements sont-ils disponibles ? Fait-on déjà payer l’investissement nécessaire par les promoteurs immobiliers ?
Mais, en attendant, attention au risque de pollution des baies de PAROIKIA ou NAOUSSA ; on a vu comment cela se passait à MYKONOS pour les plages les plus prisées !
Évoquons rapidement le problème des déchets ; vanter la mise en décharge de tous les déchets, c’est oublier que de telles pratiques sont proscrites dans nombre de pays d’où sont issus beaucoup de visiteurs « haut de gamme » qui séjournent à PAROS ; ceux-ci constatent aussi que les containers à déchets débordent faute d’un ramassage assuré suffisamment fréquemment, modulé selon la fréquentation sur l’île ; toute le monde constate que le tri sélectif est balbutiant ce qui rend peu crédible le prétendu recyclage des déchets. A tout le moins, des efforts substantiels d’amélioration sont inévitables.
Bref, le rythme de hausse de la fréquentation à PAROS a été extrême, récemment et sur un laps de temps très court ; bien évidemment, cela a été largement sous-estimé ; il n’est donc pas étonnant que les infrastructures soient déjà très largement saturées.
Rationnellement, à ce stade, avant de faire débarquer encore plus de visiteurs sur l’île, il conviendrait de s’assurer au préalable que l’on est en capacité de bien les accueillir ; cela revient à suivre une approche de bon sens qui consiste à « mettre la charrue derrière les bœufs » !
L’article de Mr Sotiris Koutsiaftis soutient une stratégie inverse : faisons arriver des hordes supplémentaires de touristes afin de saturer encore plus les infrastructures ; de la sorte, cela obligera nécessairement les autorités locales à faire quelque chose pour y remédier !!??
Mais comment expliquer que ces autorités locales n’agissent pas déjà pour résoudre le problème des embouteillages à PAROIKIA ?
Voilà des années que cela devrait être fait ; le tracé d’un itinéraire de contournement existe, mais plus le temps passe, plus les nécessaires décisions d’expropriation se complexifient ; donc rien ne bouge.
Mais qu’attend-on pour agir ?
Et que penser des embouteillages à NAOUSSA et des problèmes de parking ?
En attendant, ne pourrait-on pas missionner des policiers pour réguler la circulation aux carrefours en attendant une solution de contournement ? Mais il semble que les effectifs soient insuffisants d’autant que l’on est dans l’incapacité de les loger convenablement;
voilà encore une preuve de la saturation des capacités sur l’île; et, faute de policiers en nombre, quid de la sécurité sur l’île avec ces records d’affluence ??
Pour PAROS, il est donc urgent de mettre la charrue derrière les bœufs, d’adopter des principes de réalité plutôt que de pratiquer la fuite en avant ; mettons la priorité sur une amélioration ambitieuse et durable des infrastructures (y compris les salles d’accueil à l’aéroport mais aussi au port) ;
Affectons-y les capitaux européens déjà disponibles lesquels seraient ainsi véritablement orientés vers les objectifs recherchés (le développement durable).
Clarifions les sources de financement, en complément aux subventions européennes, destinées à tous ces investissements nécessaires pour améliorer et redimensionner les infrastructures, à commencer par les promoteurs immobiliers pour l’octroi des permis et le raccordement aux infrastructures, et les visiteurs via les taxes de séjour, mais aussi tous les contribuables de l’île car ils sont censés bénéficier de la manne touristique.
Par la suite, comment envisage-t-on de faire payer l’usage de ces infrastructures : par leurs utilisateurs directs, par ceux qui en tirent des profits directs du tourisme ?
Les pollueurs seront-ils les payeurs ?
Bref, parlons ouvertement et lucidement des aspects économiques et financiers qui découlent de la politique touristique.
Prenons le temps de digérer l’afflux récent de touristes en veillant à ne pas laisser se dégrader leur expérience d’accueil et maîtrisons le flux des arrivées par des incitations qui visent par priorité à mieux étaler dans le temps la saison touristique, ce qui permettra une utilisation plus efficiente des infrastructures largement redimensionnées.
Bref, tant qu’il est encore temps, évitons volontairement la « mykonisation » de PAROS/ANTIPAROS.
Remarque N° 3 : Avec l’allongement de la piste on peut s’attendre à 5.000 arrivées par avion par jour en haute saison
Cette hypothèse est plausible, peut-être pas immédiatement, mais elle est indéniablement à redouter. Pourquoi ?
Car, arithmétiquement, elle correspond à une stratégie de massification touristique.
En effet, 5.000 arrivées de passagers par jour, à l’aéroport de PAROS, en haute saison se compare à :
- 700 arrivées de passagers, en moyenne quotidienne au mois d’août 2019 à l’aéroport de PAROS.
Le chiffre cité dans l’article de 1.500 arrivées par jour apparait par trop élevé …sauf à cumuler arrivées et départs !?
C’est donc un accroissement fois 7 qui est recherché par rapport à un niveau de référence élevé après un triplement en 3 ans !? On serait alors à X 21 versus le trafic de 2016 !
- 5.512 arrivées de passagers, c’est le niveau record atteint en juillet 2019 à l’aéroport de MYKONOS ; on se situe donc à 10% en deçà.
Arithmétiquement, il s’agirait donc bien d’une « mykonisation » de l’aéroport de PAROS !
Inévitablement, cela nécessiterait une stratégie de conquête agressive de parts de marché aéroportuaire contre les aéroports voisins de MYKONOS et SANTORIN, aux capacités d’accueil considérablement augmentées depuis peu (début 2021) et que FRAPORT GRECE a bien l’intention de rentabiliser. Car, dans le domaine aéroportuaire comme dans tout autre secteur économique, la main invisible du marché fonctionne avec des considérations de concurrence, de tarification, de qualité de service pour le consommateur, etc.
Mais, à MYKONOS, pour parvenir à accueillir 5.500 passagers arrivant par jour, il a fallu y faire atterrir en moyenne 94 avions par jour en juillet 2019, dont une majorité de gros porteurs.
Comme ces calculs découlent des statistiques mensuelles publiées par la HCAA, il s’agit de « simples » moyennes, ce qui permet d’imaginer que certains jours l’aéroport de MYKONOS a enregistré plus de 100 rotations d’avions par jour + nuit compris, soit 100 atterrissages, 100 phases de roulage puis de « taxi », mais aussi 100 décollages.
On comprend bien pourquoi les riverains de l’aéroport de MYKONOS sont totalement excédés !
Les mêmes nuisances seront forcément ressenties par les riverains de l’aéroport de PAROS, ce que l’article admet : il faudra bien « que des mesures soient prises pour pallier le problème de ces nuisances » !
Mais comment va-t-on pallier les nuisances futures à PAROS, si l’on n’y parvient déjà pas à MYKONOS ? comment pallier des nuisances dont l’intensité est la plus forte précisément au moment où la fréquentation y est la plus élevée !?
Comme trop souvent, on va refaire d’abord du mal aux gens puis, ensuite peut-être, on va essayer d’y remédier ; c’est consternant au XXIème siècle ; ne peut-on rien apprendre des expériences des autres ?
Or, le permis pour l’aéroport de PAROS est « sans limite », en termes de trafic comme d’horaire de fonctionnement.
De telles informations cruciales n’ont absolument pas été portées à la connaissance du public : prévisions futures de trafic, conditions de fonctionnement sans limite de l’aéroport, aucune mesure préventive contre les nuisances pour les riverains (tout simplement niées dans les rapports officiels), ni aucune mesure pour minorer l’empreinte carbone.
A-t-on correctement décrit aux résidents de l’île, notamment à ceux qui habitent entre PAROSPOROS et ALYKI, ou entre POUNTA /KAMPOS à PETALOUDES, qu’ils devaient s’attendre à un trafic aérien comparable à celui de MYKONOS, nuit et jour, 24h/24 ?
Dans les rapports officiels d’impact environnemental a-t-on bien retenu de telles hypothèses de trafic afin d’apprécier l’importance des nuisances sonores, du stress sur la biodiversité, sans parler du stress sur les infrastructures de l’île en général ? La réponse est dans la question : tous les rapports et toutes les communications officielles ont délibérément sous-estimés, voire totalement occultés les conséquences néfastes de ce projet d’extension de la piste de l’aéroport.
La « mykonisation » de l’île de PAROS figure donc bien dans les hypothèses retenues, mais elle n’a pas été chiffrée en termes d’impact environnemental au sens large.
Ce point mérite d’être souligné ; dès lors, le fantasme serait-il alors de surpasser MYKONOS en termes de fréquentation !?
Remarque N° 4 : PAROS doit s’efforcer d’attirer mais surtout de conserver une clientèle touristique « de qualité »
Cela semble une évidence marketing : un positionnement différenciant vis-à-vis des destinations de tourismes de masse, à l’instar de la CRETE, RHODES, SANTORIN, MYKONOS voire SKIATOS.
Un positionnement de qualité, plutôt « haut de gamme », n’est pas un modèle économique à faibles retombées ; bien au contraire ; bien mené, c’est un modèle profitable pour l’ensemble des parties prenantes.
C’est ce positionnement quasi « idéal » qui prévalait jusqu’à présent à PAROS/ANTIPAROS ; c’est ce positionnement qui a fait leur réputation : les habitués, grecs ou non grecs, appartiennent majoritairement à cette catégorie « de qualité ».
S’ils ont choisi PAROS plutôt que MYKONOS, pourtant bien plus facile d’accès en direct par avion à partir de leur résidence principale, ce n’est pas par hasard.
Ces habitués n’aiment pas l’agitation liée aux masses ; ils sont attentifs et respectueux des traditions locales, ils privilégient l’authenticité au « blingbling « ; ils veulent pouvoir se rendre au restaurant sans avoir à réserver deux semaines à l’avance ; ils cherchent des plages où l’on n’est pas encore les uns sur les autres en plein mois d’août ; etc.
Jusqu’à présent, PAROS leur offrait de telles caractéristiques et ils s’accommodaient parfaitement de mettre un peu plus de temps pour arriver à destination (transiter par ATHENES pour monter dans un BOMBARDIER d’OLYMPIC à 80 places ou même aller chercher un véritable dépaysement lorsque l’on vient de la grisaille du nord de l’EUROPE avec un ferry au départ du Pirée ou de Raffina !).
Nombre de ces touristes « avertis » voire « écoresponsables» qui séjournent sur l’île depuis longtemps, qui envisagent d’y séjourner plus longtemps encore à leur retraite, qui y payent des impôts locaux et y dépensent localement pas mal d’argent, sont extrêmement inquiets des perspectives de développement débridées à l’œuvre sur PAROS depuis quelques années ; le projet d’extension de l’aéroport constitue le symbole le plus alarmant de ce qu’ils redoutent le plus: la « mykonisation » de l’île. A juste titre, ils considèrent qu’ils peuvent s’en passer même si cela leur coûte un temps un peu plus long pour y parvenir. Ils préfèrent cela plutôt que de risquer l’envahissement des îles par charters, ce que faciliterait un allongement de la piste.
Ils considèrent que PAROS se mérite et se savoure plutôt que se consomme comme tous les produits de masse.
L’opinion de ces fidèles ne devraient donc pas être dédaignée ; ils connaissent l’île, ils l’apprécient du fonds du cœur, ils y viennent et y reviennent depuis des années, leurs enfants viennent s’y marier ; ils admettent bien volontiers que l’érection de quelques hôtels de bon standing serait judicieuse dans le respect de la personnalité des sites et ils se réjouissent que les résidents permanents aménagent leur habitation, voire leur dépendances, pour y accueillir des touristes de manière conviviale et individualisée plutôt qu’en rangs serrés et autocars bondés.
C’est pourquoi, tous résidents comme semi-résidents, pourront s’interroger à juste titre sur le nombre adéquat d’hôtels et sur la dissémination géographique d’un programme de construction visant une centaine d’établissements d’envergure ; ne risque-t-on pas de bétonner le paysage et détruire le littoral dans certaines zones ?
Évidemment, cela offrirait plus de lits, mais avec quels dommages pour l’environnement et pour quelles retombées économiques pour les Pariens, si c’est pour opérer sous contrôle de « tour operators » pratiquant le « all included ». Oublions convivialité et cohésion sociale ; les îles vivront au rythme des arrivées de charters.
A juste titre, ils s’inquiètent devant cette floraison de programmes de construction de maisonnettes « low cost », loin d’une architecture haut de gamme et dans un style cycladique dévoyé, bénéficiant de dérogations opaques aux règles d’urbanisme énoncées à l’envi dans l’article (bien mal respectées aux dires des initiés ), maisonnettes destinées uniquement à maximiser l’encaissement de loyers (via Airbnb ou équivalent ? de manière occulte??), par des investisseurs souvent étrangers à l’île (mais qui eux auraient voix aux chapitres ) et qui se hâtent de répliquer un modèle de spéculation immobilière qui leur a réussi ailleurs.
De telles maisonnettes seront clairement « mal » occupées, uniquement quelques semaines en été, accentuant le syndrome des « lits froids » sur l’île et participant aussi au délitement de la cohésion sociale (la spéculation immobilière ne permettant plus de loger les jeunes ou les travailleurs saisonniers à des conditions locatives abordables).
A juste titre, ils constatent bien que les infrastructures sont saturées ce qui est incompatibles avec les attentes de touristes « écoresponsables » qui ont eux -mêmes suffisamment voyagé à travers le monde pour savoir comment évoluent des destinations touristiques en proie au tourisme de masse.
Pour l’instant, par nostalgie, ils maintiennent leur indulgence face à divers dysfonctionnements croissants. Pourtant, leurs mises en garde méritent d’être écoutées.
Certains de ces habitués ont déjà renoncé à séjourner sur l’île durant la saison haute ; d’une certaine manière, ils continuent à rendre « service » à la communauté Parienne en proposant à la location leur résidence ou la laissant à leur progéniture pour y séjourner ;
S’ils reviennent hors saison, cela continue à bien arranger la communauté car cela participe à un meilleur étalement de la saison touristique.
Car, l’un des facteurs clefs du tourisme durable, c’est bien d’éviter le syndrome du lit vide (à l’instar de beaucoup de stations balnéaires en Grèce ou ailleurs en dehors des mois d’été, à l’instar de beaucoup de stations de sport d’hiver transformées en cités fantômes l’été).
Désormais, tous les lieux à forte fréquentation touristiques cherchent à atténuer les crêtes de fréquentation pour mieux étaler la saison touristique et ainsi solliciter les infrastructures de la manière la plus optimale possible. Pourquoi ne fait-on pas de même ici ?
Avec la « mykonisation » en marche à PAROS/ANTIPAROS, le risque est qu’une large partie de cette population semi-permanente « de qualité » choisisse d’aller ailleurs.
Bon débarras, dirons certain, par un raisonnement caractéristique des myopes.
Vraisemblablement cette population sera remplacée par d’autres arrivants au pouvoir d’achat non moins élevé. Mais ceux-ci viendront à PAROS pour y séjourner, d’abord et avant tout l’été ; en outre, ils seront certainement très exigeants (bien plus que les sortants) quant à la qualité des infrastructures et des services proposés.
Auront-ils alors la patience d’attendre une vague promesse d’amélioration des infrastructures ?
Ils choisiront vite de revendre, mais de revendre, à qui ?
A nouveau à des visiteurs « haut de gamme « ? Sans doute de moins en moins car la « mauvaise réputation » diffusera ; l’île sera alors en proie aux promoteurs ciblant des catégories de touristes moins exigeants ; les constructions seront redimensionnées, plus resserrées, plus maisonnettes, ne faisant ainsi qu’accentuer cette «mykonisation» sur le plan architectural et urbanistique.
Le risque est donc bien le nivellement par le bas : la quantité chassant la qualité, à l’instar du principe de T. GRESHAM bien connu en économie : la mauvaise monnaie chasse la bonne !
Ainsi plusieurs conclusions s’imposent qui infirment les thèses défendues des ardents défenseurs de l’extension pharaonique de l’aéroport :
- Le tourisme de masse conduit à une éviction du tourisme « de qualité », surtout sur un territoire à surface limitée avec des infrastructures saturées
- La stratégie d’attirer toujours plus d’arrivants sur PAROS, notamment via son aéroport, est clairement une stratégie de tourisme de masse, inconciliable avec la recherche d’un développement durable ; les exemples de ce constat sont innombrables ici, en Grèce, comme partout ailleurs ;
- Le tourisme « de qualité » et « écoresponsable » est bien celui qui permet au mieux de concilier un développement durable, i.e. un étalement de la saison touristique sur l’année, et une bonne activité économique pour toutes les parties prenantes sur les îles.
- Le touriste « écoresponsable » est en droit d’exiger des infrastructures de qualité, dans les meilleurs délais et aux meilleurs standards de développement durable.
- Si l’on veut conserver /attirer une clientèle haut de gamme à PAROS, il convient d’abord et avant tout de relâcher la contrainte des infrastructures saturées ; dès lors, l’allongement de la piste constitue un véritable obstacle à cette priorité car il détourne inutilement les énergies des responsables ainsi que les ressources financières rares, pour précipiter les îles dans une fuite en avant dommageable pour son bien commun.
- S’opposer à la « mykonisation » de PAROS/ANTIPAROS ne consiste absolument pas à s’opposer à leur développement économique ; bien au contraire, c’est militer pour leur pérennité !
Mais, c’est effectivement s’opposer à ceux qui recherchent fébrilement un profit à court terme au détriment du développement durable.
C’est pourquoi, il n’est pas acceptable d’accepter, encore à notre époque, des projets qui n’intègrent pas dans leur évaluation économique le coût des externalités induites, à commencer par les dépenses en infrastructures et les coûts environnementaux.
C’est cette analyse qui a motivé de nombreux citoyens pour s’opposer, par les voies légales, à ce projet d’extension qui n’a pas fait l’objet d’une véritable information publique (ce qui est contraire à la loi), qui fait appel abusivement à des capitaux communautaires destinés à financer le développement durable (ce qui est une fraude à la loi communautaire), qui conduit à une « mykonisation » de PAROS /ANTIPAROS, à une évolution néfaste pour toutes ses parties prenantes, en y mettant en danger la cohésion sociale, l’environnement et l’économie locale.
Eric Michelet est membre associé du conseil d’administration des AdPA et membre du collectif “Aéoroport d’une Paros Verte“
alain flausch says
la mykonisation des Cyclades est un phénomène poussé par le Gouvernement actuel de la Grèce parce qu’ils ont cette idée folle et obsolète que le tourisme de masse est source de revenus pour les îliens.
C’est évidemment sommaire et surtout destructeur de ce joyau que saint les Cyclades.
Il est indispensable que les Maires des Cyclades se coalisent et essayent ensemble de protéger ces îles.
Unesco, Naturea2000 et autres NGO ? Il ya moyen, s’ils sont unis, de forcer le Gouvernement central de renoncer à son modèle des années 70, aujourd’hui dépassé!
MICHEL LENGLET says
Bravo pour cet article extrêmement précis et complet sur le caractère néfaste d’une éventuelle extension de la piste de l’aéroport dont Paros n’a nul besoin, contrairement à l’amélioration nécessaire des infrastructures actuelles ( bâtiments beaucoup trop exigus et parking quasiment inexistant par exemple ).
Résidant à Paros plusieurs mois par an je partage l’opinion émise sur la nécessité d’avoir d’autres priorités concernant notamment le trafic routier, le stationnement, la distribution d’électricité, le ramassage des ordures, etc…
Tout à fait d’accord sur le fait qu’il faille éviter un tourisme de masse incompatible avec l’accueil de “touristes” de qualité qui deviennent le plus souvent des résidents semi permanent, plus aptes à participer durablement au développement économique de cette belle île qui doit conserver le caractère authentique que nous apprécions tant.
Simone says
Mr Koutsiaftis makes a valid point when he says that what really matters is the number of hotel beds and houses as people need to sleep somewhere. The concern that many people have is that the airport is an excuse and the catalyst for more real estate speculation. The two things are separate though and the municipality needs to come clean. They need to be clear as to the maximum number of hotel beds that the municipality sees as ideal and the number of secondary homes and this needs to be made into regulation. Only when people are comfortable that this what the municipality means, they will be more comfortable with the airport expansion not being a Trojan horse. The same is true for the numbers of cars that can circulate on the island. There needs to be a target for the maximum number of them. The rest will follow. The island needs a clear and binding strategic plan. It shouldn’t be forced into an unsustainable number of visitors or houses wether the airport is expanded or not.